Ubersexuel

Uber, c’est le gars qui prend encore sa douche avant le sexe oral. Pour le moment. 

Uber, c’est le poseur en lunettes Ray-Ban qui passe trop de temps à travailler sa barbe et qui écrit sans arrêt à ta blonde sur Facebook pendant que vous traversez une période difficile. 

La période difficile, c’est avec l’autre. L’industrie. Le bureau du taxi. Peu importe le petit nom que tu lui donnes, ça évoque pas un écran tactile. Ça évoque une étagère poussiéreuse, une toux creuse. 

Quand je pense à Uber, je pense à un prépubère qui essaie vraiment fort. (PrépUber. Je me fais assez rire.) Quand je dis « essaie vraiment fort », je veux dire qu’il met du déodorant. 

Uber n’est extraordinaire qu’en contraste. Parce que l’autre, celui avec qui ça fait longtemps, il est rendu médiocre. Il se force plus. Il savait pas qu’un douchebag t’écrivait sur Facebook, te promettant ciel, terre et douche avant rapports intimes. 

Mais l’autre, au moins, il paie ses impôts. Uber, c’est pas clair clair son affaire. C’est le gars inexplicablement bronzé qui porte encore du Parasuco, même s’ils ont fermé. Il trouve une façon. Il te sort partout, sur son bras, mais des fois, sa carte passe pas pour de la gomme et un paquet de Marlboro. 

Oui, il fume des Marlboro. Quel mange-marde. 

C’est facile, avec Uber. C’est toujours facile, au début. Quand le sexe est tellement bon que tu dis « merci ». 

Les belles attentions. Comme garder pour toi le verre de jus d’orange extra pulpe pas bien brassé et offrir à l’autre le deuxième verre versé, après que t’as pensé à bien agiter la bouteille. 

Je digresse. 

Est-ce qu’il est nécessaire, Uber ? Uber est un mal nécessaire, mais c’est un mal pareil. 

Comme n’importe quel produit, il a sa raison de création et sa raison de pérennité. Raison de création : lacunes dans l’industrie. Raison de pérennité : c’est moins cher. Point. Même si l’application est formidable, si c’était plus cher, ça marcherait pas. 

De la même manière qu’on s’est dit : « C’est moins cher et t’as pas à appeler », on se serait dit : « Ouin, c’est plus cher, je vais appeler. » 

Et Uber est moins cher parce que pour faire du déplacement de personnes à but lucratif, t’es supposé payer une licence. Uber ne le fait pas, pour ça que c’est moins cher. 

Ça me fait tellement rire que le débat soit rendu : « Est-ce qu’Uber a le droit de charger 10 fois le prix ? » Attends une seconde, charcute-moi ça : Uber n’a pas le droit, point. Uber n’est pas enregistré, Uber n’a pas de licence, Uber ne se conforme pas à la réglementation. Uber ne suit pas la règle de droit. 

Yves Boisvert a écrit un pertinent papier là-dessus en août dernier. 

Uber n’a rien révolutionné et ne révolutionnera rien. Il est tout au plus un rebelle qui, une fois réglementé, offrira ses services au même prix que les autres. Et les autres, une fois arrivés en 2016, offriront la même aisance d’utilisation. Et ils recommenceront à se laver. 

Uber est une révolution seulement quand on est dans ce champ de distorsion de la réalité où nous entraînent les marques quand elles nous vendent un truc. Ma traduction libre de « reality distortion field », un terme utilisé par Bud Tribble dans les années 80. 

Celui qui est toujours VP chez Apple disait de Steve Jobs qu’il créait un champ de distorsion de la réalité où chaque petite amélioration pouvait être vendue comme une révolution. 

YouTube était originellement sans publicité. N’importe qui pouvait diffuser n’importe quoi, son propre contenu ou celui d’autrui. Elle était là, sa plus-value, dans sa zone grise. Maintenant qu’il est plus sensible au droit d’auteur et qu’il nous emmerde avec sa pub, YouTube s’utilise comme n’importe quel portail télé. 

Uber et Lyft viennent de mettre en faillite Yellow Cab, feu taxi préféré de San Francisco. Ces compagnies sont sexy, nouvelles, bien emballées. Leur but reste le même, le profit. 

On offre des rabais. Pour le moment. On essouffle jusqu’à pouvoir achever une industrie déjà essoufflée. Puis, une fois seul, on s’installe en pantoufles. L’histoire se répète : standardisation. 

Et un beau jour, un poseur en Ray-Ban va t’écrire sur Facebook et peut-être te charmer. Selon les règles de l’art ou pas. 

Uber se lave. Pour le moment. Il t’embrasse et te fait l’amour sans regarder son téléphone une fois. Pour le moment. Parce que l’autre est encore là. 

Une fois que l’autre sera parti, Uber va se mettre à garder ses souliers sur ton plancher propre et à chier la porte ouverte. 

Sont tous pareils.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.